FATHERLAND,
roman écrit en 1992 par Robert Harris est une uchronie qui dépeint
une issue alternative à la Seconde Guerre Mondiale. Si le Japon a
bien été écrasé par la puissance atomique des américains,
l'Allemagne nazie, elle, est sortie triomphante du conflit. Le Reich
est maintenant un empire qui s'étend de l'Angleterre à l'ouest
(Churchill et la reine se sont exilés au Canada) jusqu'aux confins
de l'Oural, loin à l'est où seules quelques guérillas communistes
luttent encore.
L'action
de ce roman se déroule majoritairement entre Berlin et la Suisse en
1964. Evenement majeur si il en est, le Reich s'apprête à recevoir
la visite du président américain Joseph Kennedy (père de JFK et
bootlegger dans les années 20) dans l'optique d'une alliance visant
à la Détente (qui rappelle naturellement celle entre les USA et
l'URSS).
C'est
dans ce contexte et à une échelle bien moindre qu'intervient notre
protagoniste principal, Xavier March, un officier SS de la Kripo
(Kriminale-Polizei), parent pauvre de la fameuse police politique, la
Gestapo. Ne nous y trompons pas, March est bel et bien un nazi. Il a
alors 42 ans et ses yeux d'un gris froid
reflète bien l'abnégation mise au service de la basse besogne qu'il
appelle travail. Ce dernier consiste à enquêter sur le tout
venant du crime allemand du
banal cambriolage au casse de banque; les voies de fait, les viols
et les mariages mixtes. Xavier
est le Renard, un
pisteur hors pair, analogie intéressante au vu de son incorporation
durant la guerre au sein des U-boot,
les loups gris de
l'amiral Donitz. Le personnage est à l'image de ce polar, classique.
C'est un flic un peu désabusé, divorcé, ne voyant qu'assez peu son
enfant et menant une vie sociale terne.
Deux
éléments distinguent notre héros,
une curiosité exacerbée et une photographie trouvée dans son
appartement. Celle d'une famille juive, les Weiss.
Quid des juifs? Ils ont été déplacé à l'est.
Dés
les premières pages, Xavier hérite d'une noyade, celle d'un alte
kampfer, un vieux de la vieille,
un des compagnons d'Hitler lors du putsch de la Brasserie à Munich
en 1923. En suivant le fil de son enquête (illégalement), March
trébuche sur d'autres cadavres, mettra à jour des fraudes et des
complots et se heurtera à ses propres certitudes au contact d'une
journaliste américaine, Charlie Maguire. A l'image de l'univers
qu'il dépeint, Robert Harris est froid et méticuleux dans son
écriture au risque de parfois perdre le lecteur dans le déroulé de
l'action, dans l'océan des patronymes, bref dans l'intrigue. De
plus, certains passages semblent superflus à la compréhension
globale de même que certaines descriptions.
Enfin,
on peut dire sans trop d'hésitations qu'il y a du 1984
(d'Orwell) dans ce livre où le
Big Brother est un
Hitler, omniprésent, mentionné en permanence et à peine
entre'aperçu. De la même façon, la description froide du système
nazi, de la bureaucratie servile et faillible et de l'aveuglement
idéologique de la population (famille et amis inclus) renvoie
systématiquement au chef d'oeuvre d'Eric Blair. Et, ce jusqu'à la
prise de conscience brutale de notre protagoniste à la fois brisé
et libéré, qui s'exprime à la perfection à travers les quelques
phrases qui suivent :
« -Je
ne savais pas.
Krebs
laissa retomber les pages sur la table, comme si elles étaient
contagieuses.
-Je
ne savais rien de tout ça.
-Bien
sûr que vous saviez! Vous saviez chaque fois que quelqu'un en
sortait une bien bonne à propos d'untel « réinstallé à
l'Est » ; chaque fois que vous entendiez une mère menacer
son gosse de le mettre dans la cheminée si il n'était pas sage.
Nous savions quand nous nous sommes installés dans leurs maisons,
quand nous avons récupéré leurs biens, leurs commerces. Nous
savions mais nous n'avions pas de données, de faits. (Il désigna
ses notes de sa main gauche.) Ceci met de la chair sur les os. Et
des os où il n'y avait que de l'air. »
Romain.
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