dimanche 29 septembre 2013

Fatherland. Robert Harris.


FATHERLAND, roman écrit en 1992 par Robert Harris est une uchronie qui dépeint une issue alternative à la Seconde Guerre Mondiale. Si le Japon a bien été écrasé par la puissance atomique des américains, l'Allemagne nazie, elle, est sortie triomphante du conflit. Le Reich est maintenant un empire qui s'étend de l'Angleterre à l'ouest (Churchill et la reine se sont exilés au Canada) jusqu'aux confins de l'Oural, loin à l'est où seules quelques guérillas communistes luttent encore.

L'action de ce roman se déroule majoritairement entre Berlin et la Suisse en 1964. Evenement majeur si il en est, le Reich s'apprête à recevoir la visite du président américain Joseph Kennedy (père de JFK et bootlegger dans les années 20) dans l'optique d'une alliance visant à la Détente (qui rappelle naturellement celle entre les USA et l'URSS).

C'est dans ce contexte et à une échelle bien moindre qu'intervient notre protagoniste principal, Xavier March, un officier SS de la Kripo (Kriminale-Polizei), parent pauvre de la fameuse police politique, la Gestapo. Ne nous y trompons pas, March est bel et bien un nazi. Il a alors 42 ans et ses yeux d'un gris froid reflète bien l'abnégation mise au service de la basse besogne qu'il appelle travail. Ce dernier consiste à enquêter sur le tout venant du crime allemand du banal cambriolage au casse de banque; les voies de fait, les viols et les mariages mixtes. Xavier est le Renard, un pisteur hors pair, analogie intéressante au vu de son incorporation durant la guerre au sein des U-boot, les loups gris de l'amiral Donitz. Le personnage est à l'image de ce polar, classique. C'est un flic un peu désabusé, divorcé, ne voyant qu'assez peu son enfant et menant une vie sociale terne.
Deux éléments distinguent notre héros, une curiosité exacerbée et une photographie trouvée dans son appartement. Celle d'une famille juive, les Weiss. Quid des juifs? Ils ont été déplacé à l'est.

Dés les premières pages, Xavier hérite d'une noyade, celle d'un alte kampfer, un vieux de la vieille, un des compagnons d'Hitler lors du putsch de la Brasserie à Munich en 1923. En suivant le fil de son enquête (illégalement), March trébuche sur d'autres cadavres, mettra à jour des fraudes et des complots et se heurtera à ses propres certitudes au contact d'une journaliste américaine, Charlie Maguire. A l'image de l'univers qu'il dépeint, Robert Harris est froid et méticuleux dans son écriture au risque de parfois perdre le lecteur dans le déroulé de l'action, dans l'océan des patronymes, bref dans l'intrigue. De plus, certains passages semblent superflus à la compréhension globale de même que certaines descriptions.

Enfin, on peut dire sans trop d'hésitations qu'il y a du 1984 (d'Orwell) dans ce livre où le Big Brother est un Hitler, omniprésent, mentionné en permanence et à peine entre'aperçu. De la même façon, la description froide du système nazi, de la bureaucratie servile et faillible et de l'aveuglement idéologique de la population (famille et amis inclus) renvoie systématiquement au chef d'oeuvre d'Eric Blair. Et, ce jusqu'à la prise de conscience brutale de notre protagoniste à la fois brisé et libéré, qui s'exprime à la perfection à travers les quelques phrases qui suivent :

« -Je ne savais pas.
Krebs laissa retomber les pages sur la table, comme si elles étaient contagieuses.
-Je ne savais rien de tout ça.
-Bien sûr que vous saviez! Vous saviez chaque fois que quelqu'un en sortait une bien bonne à propos d'untel « réinstallé à l'Est » ; chaque fois que vous entendiez une mère menacer son gosse de le mettre dans la cheminée si il n'était pas sage. Nous savions quand nous nous sommes installés dans leurs maisons, quand nous avons récupéré leurs biens, leurs commerces. Nous savions mais nous n'avions pas de données, de faits. (Il désigna ses notes de sa main gauche.) Ceci met de la chair sur les os. Et des os où il n'y avait que de l'air. »

Romain.

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